Archives octobre 2022

Des scientifiques franco-argentins ont été reconnus pour avoir crée le « Templex », une nouvelle approche de la théorie du chaos

Afin d’apporter une nouvelle vision et des outils pour comprendre le problème scientifique connu sous le nom de théorie du chaos, deux chercheuses argentines travaillant à l’Institut Franco-Argentin d’Études sur le Climat et ses Impacts (UBA –
CONICET – CNRS – IRD), en collaboration avec Christophe Letellier, professeur à l’Université de Rouen, ont inventé l’objet mathématique qu’ils ont baptisé « templex ». À cause de cette découverte, ils ont fait la une des journaux il y a quelques jours Journal du chaos, qui a décidé de mettre en avant la publication faisant partie du projet NOISE
(LEFE/MANU) de l’INSU (CNRS) et le projet CYAN (21-CLIMAT-05) du programme CLIMAT-Amsud. Lancé en 2019, ce programme régional est une initiative de la coopération française et de ses partenaires en Amérique du Sud.

À travers la branche des mathématiques appelée topologie, qui, selon l’un de ses créateurs, Henri Poincaré, « est une géométrie purement qualitative, dont les théorèmes seraient vrais si les figures, au lieu d’être exactes, étaient grossièrement imitées par un enfant », Denisse Sciamarella , Ph.D. en physique de l’Université de Buenos Aires et HDR de l’Université de Paris-Saclay, a trouvé – avec ses collaborateurs et après de nombreuses années d’études – un moyen d’« ordonner » le chaos. « La topologie agit comme un détecteur de cet ordre qui se cache derrière le désordre, puisque les processus chaotiques déterministes sont caractérisés par une sorte d’empreinte qui est précisément donnée par leur topologie », a-t-elle expliqué.

En collaboration avec Gisela Charó, mathématicienne diplômée (UBA), docteur en ingénierie (UBA) et postdoc CONICET, ils ont commencé à étudier comment cette « empreinte digitale » pourrait aider à mieux comprendre les processus non linéaires et donc difficiles à prédire. « Les fluides constituent un exemple clair de mécanismes non linéaires en action.
Comprendre comment ils s’organisent et prévoir ce qui se passe lorsque, par exemple, lors d’un déversement pétrolier en mer est complexe. Ces processus sont pertinents à la fois en océanographie mais aussi dans l’injection d’un soluté qui transporte un médicament dans la circulation sanguine, ou dans les cendres d’une éruption volcanique dans l’atmosphère », a souligné Sciamarella.


De gauche à droite : Denisse Sciamarella et Gisela Charó à la porte de la Faculté de
Sciences Exactes. Droits d’auteur : Guadalupe Lombardo.

« Nous abordons ce problème à travers la topologie algébrique, contrairement à d’autres groupes de recherche qui utilisent des approches géométriques ou statistiques. C’est ainsi que nous avons créé le « Templex », un objet mathématique qui nous permet de calculer l’empreinte topologique susmentionnée sans contraintes dimensionnelles : le gabarit ou « template », son prédécesseur, nous permet de trouver l’ordre dans le chaos en utilisant la théorie des noeuds. Mais, puisque les noeuds se défont en plus de trois dimensions, ce schéma n’était applicable qu’aux problèmes qui n’avaient pas plus de trois degrés de liberté. Cette difficulté s’appelle la « malédiction de la dimensionnalité », a ajouté la chercheuse. En combinant le « complexe » de la topologie algébrique avec la théorie des graphes, le « templex » brise la malédiction mathématique : « Le trouver pour un ensemble de données revient à trouver son empreinte dynamique. De cette manière, les différents types de comportement chaotique peuvent être identifiés et même classés. Et cette classification nous permet de comparer les ensembles de données les uns aux autres, les modèles les uns aux autres, et nous permet également de comparer les modèles et les données », a précisé Sciamarella.

A quoi sert tout ça ?

« Si deux jeux de données ont la même empreinte topologique, alors cela signifie qu’ils répondent tous les deux aux mêmes lois d’évolution et qu’ils peuvent être modélisés avec les mêmes équations », souligne la chercheuse. Les progrès peuvent ensuite être appliqués de manière transversale et dans des domaines d’étude variés : « Dans le domaine des sciences du climat, par exemple, il existe plus de 20 modèles climatiques qui sont utilisés pour réaliser des simulations climatiques et des projections climatiques futures. Bien qu’ils aient tous une formulation basée sur des équations fluides, ils diffèrent sur plusieurs aspects : modélisation des aérosols, dynamique des calottes glaciaires et autres processus. On parle même d’une Babel de modèles. Comment savoir à quel modèle s’en tenir ? Dans quelle mesure peut-on dire qu’un modèle représente bien les observations ? Le « templex » peut apporter la solution en comparant les résultats des différents modèles avec les données d’observation », a confirmé Sciamarella, qui est également directrice adjointe d’IFAECI (www.ifaeci.cnrs.fr / ifaeci.cima.fcen.uba.ar).

Interrogés sur la valeur de l’interdisciplinarité, les chercheurs – qui ont déjà appliqué cette approche aux processus de mélange chaotique dans les domaines de l’ingénierieet travaillent maintenant sur des problèmes de météorologie océanique, atmosphérique et spatiale – ont répondu: « L’avancement des connaissances se fait toujours grâce à l’acquisition de nouvelles perspectives, et cette nouveauté survient plus souvent lorsque l’on mélange des ressources hétérogènes et lorsqu’on est confronté au défi de comprendre comment une communauté particulière à laquelle nous n’appartenons pas pense avec son jargon et ses dialectes. »

En même temps, la coopération avec d’autres pays est vue comme « une autre possibilité de favoriser le mélange de ces ressources hétérogènes, un travail dans la diversité des traditions, sans lequel de nombreuses pistes resteraient inexplorées dans bien des cas. »

Lire l’article académique

Lire l’article de l’INSU du CNRS


Séance spéciale de l’Atelier Bergson – 20 octobre 2022

Une séance spéciale de l’Atelier Bergson se tiendra en hybride après l’AG de la SAB, le 20 octobre 2022, de 16h à 18h dans la Salle des Actes de l’ENS (45 rue d’Ulm).

Programme :
Maria Adriana Camargo Cappello (Universidade Federal do Paraná) – Autour de la méthode intuitive : art, spécificité humaine et sympathie interspécifique chez Bergson
Ma recherche actuelle, à laquelle se rattache ma communication d’aujourd’hui, s’oriente vers les éléments spéculatifs, que je crois retrouver dans la pensée de Bergson, qui peuvent nous conduire à établir des relations plus intimes entre la personne humaine et ce qui l’entoure. Plus précisément, il s’agit de rechercher les éléments théoriques du bergsonisme qui soutiennent la voie de l’élargissement de la conscience personnelle au sens, non seulement d’une Supraconscience, mais aussi au sens des multiples autres consciences qui habitent ce monde qui nous entoure, et cela, selon le fil conducteur qui va de la liberté des personnes à la création de formes de vie dans notre monde. En effet, je suis convaincue que, dans le bergsonisme, la pleine réalisation de la personne est dans ses actes libres, que cette réalisation et cette liberté sont intimement liées à l’intuition profonde ou immédiate de soi comme réalité en durée, et que la durée est un mouvement créateur qui traverse et déborde la personne. Bref, je suis convaincue que lorsque nous sommes libres et que nous avons une expérience profonde ou immédiate de nous-mêmes, nous sommes au-delà de nous-mêmes. La question, cependant, est : sommes-nous au-delà de nous-mêmes « en quoi » et de quelle manière. En regardant ce que Bergson nous offre dans l’Essai, on peut dire que quand j’ai l’intuition de la durée – dans l’intuition de ma propre durée –, ce que j’expérimente c’est l’essence même de l’être, c’est-à-dire, la manière d’être d’un mouvement caractérisé par l’intériorité et par la génération constante du nouveau. Cependant, lorsque Bergson nous offre l’intuition de l’élan vital, dans L’Évolution Créatrice, il reprend cette expérience que nous avons de nous-mêmes, proposée dans l’Essai, en soulignant son caractère créateur, auto-générateur. Dans ce mouvement, il nous fait savoir que l’expérience profonde de nous-mêmes était déjà l’expérience du mouvement créateur de la vie, qui était en nous, puisque nous sommes des êtres vivants et que, par conséquent, ce mouvement nous traverse ; il nous fait savoir, donc, que l’intuition de la durée en nous est l’intuition de la durée en général. (D’où, d’ailleurs, le rôle décisif joué par cette conscience profonde du moi, dans l’Evolution Créatrice, dans le sens de l’intuition de la vie, mais aussi de l’intuition de la matière.) Mais, entre l’expérience d’une conscience singulière et l’expérience de l’élan de vie qui traverse cette conscience singulière, il semble y avoir de nombreuses expériences qui, correspondant à des rythmes différents de la durée, correspond aussi à une diversité indéfinie de formes d’existence et de conscience. Je pense que Bergson nous a signalé que l’art c’est une preuve vive de l’existence de cette diversité de rythmes de la durée. Et, cela, dans la mesure où, dans l’intuition esthétique, on sympathise avec cette diversité, on sympathise non seulement avec d’autres consciences humaines – les consciences des artistes – mais, aussi, on sympathise avec divers rythmes insoupçonnés de la matière elle-même – comme formes nouvelles, nouvelles couleurs, nouveaux sons, etc. En ce sens, je pense qu’on peut développer la question de la possibilité d’élargir la conscience dans le contexte de la vie et, par conséquent, dans le contexte de la sympathie entre les formes de vie, compte tenu de l’intuition philosophique proposée par Bergson dans L’évolution Créatrice, dans son parallélisme avec l’intuition esthétique. C’est un premier essai de ce développement que je vous présente aujourd’hui.
Paulo César Rodrigues (Universidade Estadual Paulista) – Le psychique et le vital chez Freud et Bergson
Nous développons ici quelques réflexions sur les similitudes théoriques entre le freudisme et la philosophie de Bergson. Les considérations introductives présentées ci-dessous visent à relier les deux doctrines, apparemment incompatibles, sous trois angles : épistémologique, psychologique et biologique (ou métaphysique). On s’attend à ce que de telles considérations ouvrent à un approfondissement de cette interface singulière entre psychanalyse et métaphysique.

Chair : Mathilde Tahar (Université de Toulouse II)

Lien pour assister à l’Atelier en distanciel :

Programme de Chaires franco-brésiliennes de l’Université Fédérale du Pernambouc

L’Université Fédérale du Pernambouc (UFPE), en partenariat avec l’Ambassade de France au Brésil, par l’intermédiaire du Consulat Général de France à Recife, rend public l’appel à candidature pour le programme de chaires franco-brésiliennes pour l’accueil de professeurs et/ou de chercheurs des institutions d’enseignement et de recherche françaises à l’UFPE. Le programme est construit dans un esprit de réciprocité, afin d’accueillir également un professeur de l’université brésilienne dans l’institution partenaire en France.

CALENDRIER 2022/2024 :

I. Les projets doivent être soumis à l’UFPE avant le 15 janvier 2023 ;

II. La soumission doit être faite par e-mail à l’adresse secci@ufpe.br avec l’objet : Cátedra Francesa na UFPE ;

III. Le Comité de sélection est souverain dans ses décisions et les candidats soumettant un projet reconnaissent avoir pris connaissance et accepté les conditions du présent appel à propositions, y compris l’annexe informant des conditions de séjour au Brésil ;

IV. Calendrier :

  • 01/09/2022 : Lancement de l’appel à candidatures
  • 15/01/2023 : Date limite de dépôt des candidatures
  • 31/01/2023 : Annonce interne des résultats
  • 01/02/2023 : Date limite pour faire appel à la décision (pour les universités brésiliennes)
  • 03/02/2023 : Annonce finale des résultats

Appel à candidatures :

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Article de l’IRP Nocosym paru récemment dans la revue « Genome Biology »

L’IRP NOCOSYM, créé en 2019 sous l’impulsion d’Andreas Niebel et Maria-Eugenia Zanetti, propose une approche multidisciplinaire de la part de 4 laboratoires, deux d’entre eux situés à La Plata et Santa Fé en Argentine et deux d’entre eux en France (Orsay et Toulouse).

Au cours des deux dernières décennies, le développement des techniques dites de capture de la conformation des chromosomes a permis d’acquérir une meilleure compréhension de l’architecture nucléaire, qui organise l’information génétique de façon dynamique dans l’espace, chez les cellules eucaryotes. Il est apparu que dans le noyau, la conformation de l’ADN est déterminée par l’action coordonnée d’enzymes modifiant les histones et l’ADN, de remodeleurs de la chromatine, de facteurs de transcription, de protéines médiatrices et de long ARN non codants (>200 nucléotides ; pas ou très peu de pouvoir codant). Notamment, plusieurs études réalisées chez les plantes ont mis en évidence le rôle majeur des longs ARNs non codants dans la régulation de la topologie du génome. En particulier, le long ARN non codant APOLO (Auxin-regulated PrOmoter LOop) est l’un des premiers à avoir été décrit comme capable de moduler l’organisation tridimensionnelle de la chromatine chez Arabidopsis thaliana.

Nos études ont montré qu’APOLO est capable de s’associer physiquement à différents loci distants et non apparentés dans le génome via la formation de « R-loops » (dimère ADN-ARN) et interagit avec deux protéines clés associées au maintien de la marque histone H3K27me3 et de la méthylation de l’ADN, la protéine Polycomb LHP1 (LIKE HETEROCHROMATIN PROTEIN1) et la protéine de liaison à l’ADN méthylé VIM1 (VARIANT IN METHYLATION), respectivement. Ainsi, médiant un remodelage de la chromatine, APOLO régule directement la transcription d’un grand nombre de gènes, pour la plupart associés à la perception, la signalisation et la réponse aux phytohormones auxines, et impliqués dans différents processus du développement dont la réponse à la chaleur (thermomorphogénèse). De manière frappante, nous avons mis en évidence que le long ARN non codant humain UPAT (UHRF1 Protein Associated Transcript), une cible thérapeutique potentielle dans le traitement du cancer du côlon, exerce des fonctions similaires à APOLO lorsqu’il est exprimé chez les plantes, et peut être notamment reconnu par VIM1 et LHP1 dans les cellules végétales.

Collectivement, nos résultats révèlent un mécanisme nouveau dans lequel deux long ARN non codants non apparentés peuvent exercer des fonctions biologiques similaires en interagissant avec des partenaires homologues chez les plantes et les animaux.

Lire l’article académique 


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