Contact : Emmanuel eveno – emmanuel.eveno@univ-tlse2.fr

Les transformations que subit le monde contemporain présentent des incertitudes pour la société actuelle et future. Dans ce contexte, la ville se constitue comme un laboratoire d’expérimentation et d’innovation de modes d’habiter et de gestion de plus en plus complexes, notamment grâce au support des technologies numériques qui démultiplient les modes d’action et les rendent plus efficaces tout en étant plus sensibles aux incertitudes.

Ces transformations et innovations sont accompagnées de controverses, de tensions et de conflits qui mettent à l’épreuve les modèles de participation et la gouvernance d’une ville durable inclusive. La ville présentée comme durable grâce, entre autres, à la transition numérique, crée-t-elle vraiment des modes d’habiter plus durables et plus inclusifs dans tous les contextes urbains : petites, moyennes et grandes villes, villes du Nord et villes du Sud ? Quels sont les modes d’habiter émergents qui permettent d’évoluer vers une transition socio-écologique de la ville ? La transition numérique peut-elle vraiment proposer des outils innovants pour créer des modes plus respectueux d’habiter la Terre ? Réfléchir à toutes ces questions représente une manière de promouvoir la participation des habitants à la transformation de leur cadre de vie, bouleversé par la transition urbaine.

L’objectif de l’IRN REHVIF consiste donc à interroger les scénarios, les tendances, les événements émergents, les incertitudes et le(s) futur(s), résultant des interactions de trois domaines concernant les villes : les modes d’habiter, la transition socio-écologique et la transition numérique.

1/ La transition territoriale : évolutions des formes urbaines et de l’habiter

Les villes sont avant tout des espaces habités et elles assurent ainsi la constitution d’une forme particulière du lien social, l’urbanité, et du lien politique, la citadinité. Habiter la ville c’est, à travers un ensemble de pratiques quotidiennes et de représentions sociales associées, se situer dans l’espace et se l’approprier tant socialement et politiquement que symboliquement et affectivement. C’est « être au monde » à toutes ses échelles, son habitat personnel à la planète.

En ville, l’habiter concerne non seulement le chez-soi mais aussi d’autres espaces comme les transports ou les espaces publics que l’on habite certes de manière plus transitoire que sa maison, mais que l’on habite tout de même à travers la récursivité des pratiques.

Or, sous l’effet des technologies du transport et du numérique, les villes se sont transformées, ce qui a eu de nombreuses conséquences sur les modes d’habiter. Hier, l’utilisation intensive de la voiture était censée permettre d’amoindrir les distances, mais a produit une consommation excessive de l’espace. Aujourd’hui, les mobilités douces, auparavant réservées aux pauvres, sont désormais valorisées, d’autant plus quand elles sont conjuguées à un usage des technologies du numérique qui permet de diminuer les déplacements motorisés ou de favoriser la marche à pied…

Cependant, il reste à mener une étude de la durabilité des formes urbaines émergentes, supportées par les technologies numériques (par exemple, les complexes urbains multifonctionnels), et des modes d’habiter qui leur
sont associés : est-elle la même dans tous les contextes ? Engendre-t-elle une urbanité inclusive et une citadinité participative partout ? Comment les modes d’habiter s’adaptent-ils aux incertitudes issues de la transition socio-écologique, en se saisissant des innovations technologiques ? Les formes urbaines et les modes d’habiter issus de la transition urbaine sont-ils garants de plus de durabilité sociale et politique, et si oui, dans quels contextes et avec quelles configurations d’acteurs ?

2/ La transition écologique : réorientation de pratiques pour gérer la complexité et l’incertitude

Appliqué à la ville, le développement durable est un paradigme issu de la lente prise de conscience de l’impact des usages urbains sur l’équilibre environnemental, la conservation en termes de quantité et de qualité des ressources (eau, énergie, sol,
matières premières), ainsi que sur le dérèglement climatique.

Au début du millénaire, les villes durables et le changement climatique se croisent en intégrant les enjeux liés à la prévention des risques et à l’adaptation au changement climatique. La durabilité des villes se traduit alors en termes de qualité environnementale, ce qui a mis en jeu les conditions de vie, les aménités et la qualité urbaine. Le paradigme s’étend ensuite aux villes durables, inclusives, adaptées et résilientes.

Ce paradigme a besoin d’une traduction concrète pour répondre aux incertitudes qui prédominent quant à l’avenir de la planète et au rôle que les villes y jouent. Cela se fait à travers des modèles utopiques, des expériences et des coopérations menées par des initiatives citoyennes (mouvements écologistes, justice environnementale) ; par des actions publiques (Agenda 21, plans de nature différente, prescriptions) ou par des réseaux associant les acteurs publics, privés, universitaires et associatifs qui définissent des axes de travail, cadres de référence, labels, paramètres et indicateurs.
Chaque « traduction » est en relation avec les domaines connexes qui traitent traditionnellement de la production de la ville : architecture, urbanisme et aménagement du territoire. Les trois sont conçus simultanément comme une politique publique, une pratique technico-professionnelle et une construction sociale.

Les défis urbains et environnementaux actuels et futurs dépassent les frontières politiques et administratives, ils sont multi-échelles ; ils exigent donc une réorientation des modes de penser, d’analyser, d’organiser, de concevoir et d’habiter nos territoires et nos habitations. En d’autres termes, une transition est nécessaire dans différents domaines.

Dans ces processus, il est pertinent de prendre la mesure de multiples questions, là où prédomine encore une approche fragmentée et technique de la production de la ville et où s’observe le manque de compréhension de l’environnement climatique, du contexte multi-échelle et des modes de vie : comment s’aborde l’incertitude et la complexité auxquelles ouvre le paradigme de la transition écologique urbaine ? Quelles sont les stratégies et scénarios d’appropriation de ce paradigme que les différents acteurs élaborent pour la production de la ville actuelle et future ? Comment les TIC agissent dans cette équation ?

3/ La transition numérique : de la ville intelligente à l’intelligence territoriale et à l’appropriation sociale de technologies numériques

Le modèle des « villes intelligentes », pour autant qu’il y en ait un, est en cours d’élaboration. Il a toutefois une histoire car il s’inscrit dans la généalogie de ce que l’on appelait il y a peu les “villes numériques” en Europe, ou Ciudades Digitales en Amérique latine. Ce modèle prolonge à la fois les dynamiques instituées par les débats politiques autour du “développement durable” et ceux portant sur la “société de l’information”. Bien qu’imprécis, fortement discuté, ce modèle des “villes intelligentes” peut se définir par le recours systématique ou en voie de systématisation aux acteurs de l’urbain, notamment à l’acteur public de référence : aux technologies numériques. Ce recours vise à optimiser le fonctionnement de la ville dans plusieurs directions, en particulier dans la gouvernance et dans la production et mise à la disposition des services urbains adaptés aux besoins de la population visant l’invention de nouveaux services.

La transition numérique à laquelle nous faisons référence est celle qui permet une ville inclusive et participative et qui vient compléter les dispositifs déjà existants au sein de la ville. Dans ce sens, il s’agirait de mettre l’accent sur la façon dont ces « villes intelligentes » sont aussi des villes dans lesquelles la participation au projet d’intelligence territoriale inclut les habitants/ citoyens/usagers, ce que nous appelons ici les « acteurs discrets ».

Il s’agira donc de s’intéresser aux politiques urbaines/métropolitaines dans lesquelles le numérique est utilisé pour favoriser le volet social de la durabilité, à savoir l’inclusion sociale des habitants et en particulier des « publics fragiles ». Il s’agit notamment des politiques en faveur du développement de la « société de la connaissance », celles de lutte contre la pauvreté, celles dites de
« réduction de la fracture numérique » ou encore celles qui renvoient aux logiques d’empowerment des habitants et qui permettent la participation de différents acteurs à la construction sociale de la ville. Nous considérons l’évaluation de ces politiques en mesurant les effets qu’elles peuvent avoir eu sur le monde social auquel elles s’adressent et en observant comment les acteurs s’emparent des TIC.

À travers les apports de l’ensemble des partenaires du projet, l’IRN REHVIF cherchera donc à interroger les nouvelles pratiques sociales et habitantes qui se révèlent autour des usages des technologies numériques, en développant notamment la notion de « capital numérique », en référence avec les notions de « capital social », « culturel » ou « spatial ». L’hypothèse qui sera mise à l’épreuve des travaux empiriques est que les usages des technologies numériques constituent des recours face à l’augmentation de la complexité urbaine/métropolitaine.

1. Partenaires français du projet : LISST-Cieu – Université Toulouse-Jean Jaurès
Nom du coordinateur : Emmanuel EVENO
Laboratoire de rattachement du coordinateur : LISST-CIEU, UMR 5193, Maison de la Recherche, Université Toulouse-Jean Jaurès, 5, Allées Antonio Machado, 31058 Toulouse Cédex 9
Institut CNRS : InSHS
Liste des partenaires de l’IRN REHVIF

2. Universidad nacional de Colombia, sede Medellín (Colombia)
Laboratoires :
Facultad de Arquitectura (Escuela del Hábitat-Cehap y Escuela de planeacion Urbano-Regional) de la Universidad nacional de Colombia sede Medellin
Nom du coordinateur : Monica Mejia Escalante
Facultad de Minas, IGNEA, de la Universidad nacional de Colombia sede Medellin
Nom du coordinateur : Antonio Romero

3. Universidad Pontificia Bolivariana (Colombia)
Laboratoire : Grupo de Investigación en Energía y Termodinámica (GET)
Nom du coordinateur : Cesar Isaza
Grupo de Investigacion en Transmision y Distribucion de Energia Electrica (TyD)
Nom du coordinateur : Idi Isaac

4. Universidad Autonoma de Mexico (Mexico)
Noms des coordinateurs : Guénola Capron (UAM-Azcapotzalco) et Salomon Gonzalez (UAM-Cuajimalpa)

5. FLACSO (Facultad latinoamericana de ciencias sociales), Quito (Ecuador)
Departamento Asuntos Públicos, FLACSO
Nom du coordinateur : Marco Cordova

6. Université Alassane Ouattara de Bouaké (Côte d’Ivoire)
Laboratoire : Département de Géographie,
Nom du coordinateur : Alain François Loukou

7. Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) (Sénégal)
Laboratoire : Département de Géographie, FLSH,
Nom du coordinateur : Ibrahima Sylla

8. Université du Québec à Montréal (UQAM) (Canada)
Nom du coordinateur : Destiny Tchéouhali Organisme

9. Université Laval à Québec (Canada)
Laboratoire : Centre de recherche en données et intelligence géospatiales (CRDIG)
Nom du coordinateur : Stéphane Roche